Le Grec et moi, on vous salue bien

Je suis en train d'écouter Kaleidoscope de Siouxsie & the Banshees, un faible rayon de soleil hiémal sourd à travers les vitres teintes de la sonothèque - y a pas un traître rat, mais méfiance, c'est une accalmie provisoire. L'heure du déjeuner et des jeux télévisés ronronnants et frelatés juste avant le journal de 13 h. A Vincennes comme ailleurs. Après la trêve Pernaut, ça afflue en masse : les nourritures spirituelles en guise de digestif... Le Grec est juste à côté de moi, vautré sur sa chaise comme un pacha, l'air hébété - il écoute toujours le même disque de sirtaki, le casque vissé sur les oreilles, et il marmonne placidement. Des borborygmes incompréhensibles, qui parfois se muent en lamentos fiévreux, mais toujours distillés avec ce sourire béat. Le Grec a un visage et une allure de demi-clochard céleste, cheveux longs, barbe de trois jours, teint jaunâtre, fringues dépareillées - quand même, il émane de sa personne une sympatique générosité, quelque chose de rassurant. Je suis seul à la banque de retour. Je rigole discrètement lorsque les complaintes hellènes de mon voisin se superposent gauchement au chant de vestale farouche de Susan Dallion... Les contrastes à fond les poteaux. Et, de temps à autres, une étincelle de symbiose inattendue... Marrant.

Ca serait pas mal que Guillaume ait la brillante idée de faire un tour à la médiathèque aujourd'hui - j'aimerais bien emprunter ce Kaleidoscope, ainsi que Heaven Tonight de Cheap Trick, mais pour ça, il faudrait qu'il me ramène au moins deux skeuds qu'il a fait passer sur ma carte perso, parce que, présentement, elle est blindée. Verrouillée. Guillaume...? Tu connais la télépathie ? Non, vraiment, c'est trop bien, ce Siouxsie, IL ME LE FAUT ! Je vais appeler Guillaume tout à l'heure. Bon appétit ! "Kalimera !" (eh ! oui, c'était le Grec...).